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En Argentine, le don va de soi dans les gratiférias

Le 9 septembre 2019
Ardoise

De nombreux pays semblent s’être mis d’accord : rien n’est plus satisfaisant qu’un traditionnel vide-greniers ou qu’une petite brocante pour faire de bonnes affaires et ramener chez soi de nombreux articles qui pourraient ravir toute la famille. Mais il existe d’autres manifestations tout aussi pertinentes, voire encore plus intrigantes et c’est vers l’une d’elles que nous allons nous tourner en allant cette fois-ci du côté de l’Amérique du Sud. C’est aujourd’hui vers l’Argentine que nous nous envolons afin d’en apprendre un peu plus sur les fameuses « gratiférias ».

 

Une gratiféquoi ?

De nombreux français auront certainement du mal à prononcer ce mot (on ne vous demande pourtant pas d’y mettre l’accent !), mais lorsque l’on sait à quoi cela correspond, on ne peut l’oublier ! Il s’agit d’un néologisme d’origine espagnole créé à partir de deux mots : « gratis » qui signifie gratuit, et « féria » qui signifie foire. Nous pourrions littéralement traduire ce terme par « foire au gratuit » (expression qui est d’ailleurs utilisée par de nombreux organisateurs français).

Et comme son nom l’indique plutôt explicitement, c’est une manifestation où tout est gratuit. Les exposants étalent les articles dont ils n’ont plus l’utilité ou les confient aux bénévoles de l’événement, et vous êtes libres de choisir ce qui vous plaît sans débourser un centime. Bien sûr, il faut jouer le jeu : vous seriez très mal vu si vous veniez à tout emporter sur votre passage. Et les objets ne sont pas les seuls à être gratuits : vous pouvez également trouver des aliments, des prestations artistiques, ou bien tout simplement des idées, tout cela gratuitement.

Et pour les plus honnêtes, ne soyez pas gêné de ne rien donner en retour ! Cette foire se base uniquement sur le don, aucune monnaie et aucun troc n’est donc accepté !

Comme nous l’évoquions un peu plus haut, c’est en Argentine qu’apparaît ce « mouvement » pour la première fois. Lancé en 2010 par un certain Ariel Rodríguez Bosio, il a tout de suite intrigué les habitants, très étrangers à une telle pratique. M. Bosio a décidé de créer ce type de manifestation car il a constaté grâce à ses nombreux déménagements une importante situation d’encombrement causée par les nombreux objets inutiles qu’il s’obstinait à garder. Et au lieu de revendre tout cela à des particuliers par le biais de brocantes ou de sites de revente en ligne, il a décidé de proposer une manifestation basée sur l’altruisme et la coopération, où tout serait gratuit. Son slogan ne pourrait alors pas être plus clair : « Amène ce que tu veux (ou rien), prend ce que tu veux (ou rien). ».

 

Un mouvement dans l’ère du temps

Et il s’avère que ce type d’événement est plutôt contemporain, car il apporte avec lui idées et valeurs nouvelles. Il faut dans un premier temps rappeler l’un de ses atouts majeurs : une gratiféria milite férocement en faveur de la planète, et cela de différentes façons. Elle va par exemple agir contre le gaspillage, puisqu’ici le but est de donner une seconde chance aux objets. Ce jouet ne sert plus ? Ce pull est démodé ? Pourquoi le revendre ou le jeter, lorsque l’on peut tout simplement faire preuve de générosité et le donner ? Cela peut ainsi éviter à d’autres d’acheter le produit neuf dans une boutique, et donc l’on réduit la surproduction.

Outre cette volonté de respecter la planète, ce genre de manifestation a une autre visée tout aussi importante : elle se pose comme alternative à l’économie moderne où seul l’argent semble régner et surtout diviser. Lors de telles journées, n’employez surtout pas de mot relatif aux finances si vous ne souhaitez pas recevoir les foudres des participants. Certaines gratiférias le précisent par des pancartes : « la seule monnaie acceptée est votre sourire. ». Dans un monde où de simples billets décident de votre destin, il est bon de savoir que de telles manifestations existent.

 

Une manifestation humaine avant tout

Mais ce qui comptait beaucoup aux yeux du « père » des gratiférias, et ce qui compte aujourd’hui énormément pour chaque participants, c’est de voir autant d’humanité dans une manifestation. Tous ceux qui ont un jour donné lors de ces journées seront les premiers à vous le dire : il n’y a pas plus beau cadeau que de faire plaisir à autrui. Ces événements rappellent à chacun l’existence du don – qui semblait avoir bien du mal à faire surface ces dernières années – et inculquent à tous le sens du partage. C’est également une manifestation qui rapproche les peuples, car de nombreux participants ont été surpris par la gentillesse et la politesse des uns et des autres, qu’il s’agisse d’exposants comme de simples visiteurs. A une époque où le nombrilisme gagne du terrain, il est toujours agréable de savoir que l’on pourra toujours compter sur certains, et que la notion de partage subsiste encore et toujours.

Avec de telles idées novatrices et humaines, les gratiférias ont rapidement fait parler d’elles. Elles se sont ainsi par la suite exportées dans d’autres pays d’Amérique du Sud qui en sont friands, et elles séduisent de plus en plus les Européens, à commencer par les Français. Ces derniers, amoureux inconditionnels des vides-greniers et brocantes, n’hésitent pas à s’intéresser de plus près à ces « foires au gratuit » et à en organiser de plus en plus, dans de nombreuses communes.

L’Argentine parvient ainsi à réchauffer les cœurs et à redonner le goût du partage grâce à une belle intention novatrice.

Kelly